Abbaye Royale Saint Médard - parcours historique

Ce parcours en 5 panneaux propose une visite historique de l'abbaye royale Saint-Médard de Soissons : son origine royale, sa construction, son importance et rayonnement, ses richesses, son déclin et démantèlement. 
Un parcours éclairant et enrichissant sur l'histoire de cette abbaye ! 

 

Saint Médard

Saint Médard à Soissons

Connu pour avoir mené une vie exemplaire dès son enfance, Médard entre tôt dans les ordres et est acclamé évêque de Vermand vers 530 et de Noyon en 531.

Guérisons miraculeuses d’aveugles, de sourds, de muets, sa vie est émaillée de miracles, ce qui en fait l’un des saints thaumaturges les plus célèbres de son temps, dans la lignée de saint Martin.

Il intercède pour les voleurs auteurs de petits larcins, les prisonniers l’invoquent pour leur libération. Surtout, les miracles se poursuivent après sa mort : les bâtonnets de saint Médard, taillés dans la porte de la basilique soissonnaise, guérissent les rages de dents les plus violentes. Des siècles après sa mort, il est sollicité pour favoriser les moissons car, « s’il pleut à la saint Médard (le 8 juin), il pleut quarante jours plus tard ».

Le roi Clotaire 1er, fils de Clovis, et la reine Radegonde comptent parmi les proches de l’évêque noyonnais. A sa mort, Clotaire promet d’édifier sur sa dépouille une basilique. Le corps est amené près de Soissons en 561 : le cercueil s’immobilise soudain sur la rive droite de l’Aisne, dans le bourg de Crouy, désignant ainsi le lieu de la future basilique. Cet épisode, raconté dans plusieurs Vies du saint, forge la renommée de la future abbaye, mais aussi le rôle des rois mérovingiens dans la construction de ce mausolée dynastique.

La présence des reliques à Soissons va susciter une réelle ferveur, les pèlerins affluent au plus près du corps du saint notamment le jour de sa fête le 8 juin. Celui-ci a dû faire l’objet d’une intense fragmentation, car nombreuses sont les reliques de Médard disséminées dans le nord de l’ancien royaume franc : une dent à Tournai (Belgique), sa mâchoire à Jodoigne (Belgique), son fémur à Noyon… Les églises dédiées à saint Médard (ou saint Mard) sont très répandues en France ; on en compte 40 rien que dans le diocèse de Noyon.

Saint Médard dans la crypte

Sous le règne de Charles le Chauve, le corps de saint Médard est conservé dans un sarcophage de pierre, au sein de la crypte aménagée au niveau du chevet de l’église. Cette partie de l’abbatiale est aussi large que l’église qui la surmonte. Un long couloir transversal distribue à l’est trois chapelles et à l’ouest trois profonds caveaux. Afin d’accéder au plus près du tombeau de saint Médard et des sépultures de Clotaire 1er et Sigebert, il fallait emprunter un couloir transversal, accessible par le transept situé au niveau supérieur de l’église.

Une autre source indique que les restes du saint évêque furent placés ensuite dans une châsse en ivoire blanc ornée de décors en or et argent doré, suspendue dans le chœur au-dessus de l’autel.

Au XIIIe siècle, Le Pas de Dieu, pierre portant l’empreinte d’un pied, s’ajoute aux reliques existantes. Pour certain, elle provenait du Jardin des Oliviers. Pour les moines de Saint-Médard, il s’agissait bien du pied de leur saint patron. L’empreinte aurait été effacée en 1567 lors du sac de la ville par les Protestants, mais la pierre qui portait la sainte trace fut, elle, conservée et posée sur un piédestal au fond du caveau central. Elle s’y trouvait encore à la veille de la Révolution française.

 


 

 Au temps des rois nomades

C’est en bordure des grandes forêts que les Francs, chasseurs et guerriers mais aussi fins stratèges, décident de s’installer. Le pouvoir s’éloigne alors de la ville gallo-romaine pour gagner les grands domaines ruraux. Clotaire 1er (vers 498-561), un des quatre fils de Clovis, en réunit de nombreux autour de Soissons conjuguant ainsi pouvoir temporel et autorité du ciel.

En effet, après la victoire de Clovis sur les Wisigoths en 496 et sa conversion au catholicisme sous l’influence de la reine Clotilde, l’Église conforte la domination franque sur la Gaule.

Au même moment, la culture populaire en quête de signes visibles se tourne vers le culte des reliques. C’est ainsi que le transfert du corps de saint Médard à côté de Soissons, motive l’édification d’un mausolée bientôt élevé au rang de basilique.

Une reine franque, sainte Bathilde (vers 630-680), fille d’esclave, joue un rôle décisif dans l’unification des pratiques religieuses en faisant adopter la règle monastique de saint Benoît par les grandes abbayes du royaume, au premier rang desquelles Saint-Médard.

Les femmes occupent une place éminente dans la société guerrière mérovingienne, transmettant des royaumes partagés à parts égales entre les enfants : ainsi, les reines Frédégonde et Brunehaut, épouses respectives des rois Chilpéric 1er et Sigebert 1er, sont à l’origine et actrices d’interminables luttes fratricides.

 


Image d’Épinal, extrait de la planche n°495, Musées de Soissons

 

486 Bataille de Soissons

Clovis combat Syagrius, un général romain qui tenait la région de Soissons.
L’épisode du Vase appartient à cette campagne.

 

Proposition de restitution du baptistère primitif de Reims © C. Bonnet

 

Vers 496 Baptême de Clovis

Saint Remi, évêque de Reims, baptise Clovis dans la cathédrale primitive. Les fondations du baptistère sont localisées et identifiées en 1995.


Tête de Clotaire 1er, Musées de Soissons

 

511 Mort de Clovis.

Clotaire 1er, un de ses quatre fils, est roi de Soissons de 511 à 561.



Saint Médard consacrant la reine Radegonde comme abbesse, vers 520 – 587, copie du XIIe siècle, BM de Poitiers

 

556 Inhumation de Médard

Clotaire 1er fait élever un mausolée sur le tombeau de l’évêque de Noyon.


Sigebert 1er, par Du Tillet, Recueil des rois de France (1545-1547), Paris BNF.

 

561 Sigebert 1er succède au roi Clotaire

Clotaire est enterré près du tombeau de Médard. Son fils Sigebert poursuit les travaux de la basilique. Il sera inhumé lui aussi près du tombeau du saint.


Monnaie de Saint-Médard, vers 590, musées de Soissons

 

Vers 657 Réforme de la reine Bathilde.

La communauté de Saint-Médard suit désormais une règle monastique. Elle est une abbaye puissante qui dispose d’une monnaie à son nom.

 


 

Le mythe de l’Empire romain : la renaissance carolingienne

Sous le règne du « bon roi Dagobert », on observe un changement de dynastie. Les Pépinides, illustre famille franque, grignotent le pouvoir mérovingien. En 687, Pépin d’Herstal, en devenant maire du Palais, détient le pouvoir réel.

En 732, Charles Martel assure à Poitiers le prestige du lignage en repoussant l’invasion arabe. Son fils, Pépin le Bref, est enfin élu roi en 751 avec le soutien du pape et intronisé à Soissons par les évêques francs. Son petit-fils, Charlemagne, achève de rendre vie au mythe impérial en prenant le titre d’empereur d’Occident en 800. Après le pape, l’empereur romain d’Orient reconnaît Charlemagne sous ce titre en 813.

Le terme « carolingien » fait aussi référence à l’activité politique et culturelle intense de cette période. Le territoire se couvre de cathédrales et d’abbayes, les arts sont florissants. Grâce à l’héritage littéraire de l’Antiquité et la copie de ses textes, l’école palatine impériale brille intellectuellement.

Mais les Carolingiens sont aussi des chefs de guerre qui se sont appropriés les revenus des abbayes. Saint-Médard échappe en partie à ce processus. Ses abbés, de 823 à 860, sont des clercs membres des familles royales et aristocratiques.

Ainsi Hilduin Ier, abbé de Saint-Médard jusqu’en 830, cumule les charges d’abbé de Saint-Denis et de Saint-Germain-des-Prés. Carloman, fils de l’empereur Charles le Chauve mort en 877, en est le premier abbé laïc.

Le pouvoir central carolingien s’émiette avec l’émergence de la féodalité. L’abbaye Saint-Médard s’efforce de relever de l ‘autorité papale et d’échapper à ce lent déclin.

 


Fontaine de vie, Évangiles de Saint-Médard de Soissons, manuscrit début IXe siècle, Paris, BNF

 

VIIe siècle Essor du culte de saint Médard

Saint-Médard bénéficie des dons des pèlerins et se dote d’un scriptorium



Pépin le Bref (714-768), Anonyme, École française, XIXe siècle, Musée du Louvre

 

751 Élection du roi Pépin-le-Bref (714-768)

Élu à Soissons, il est à l’origine de la dynastie carolingienne



 

800 Couronnement de Charlemagne à Rome

L’abbaye est l’un des plus illustres établissements monastique français. Elle possède un palais royal très fréquenté. Un premier cloître est construit.



Reliquaire de saint Sébastien, cathédrale de Soissons, XIXe siècle, cliché Ville de Soissons

 

826 Transfert des reliques de saint Sébastien de Rome à Soissons

Hilduin Ier, abbé de Saint-Médard, est à l’origine de ce transfert. De grands travaux sont prévus pour accueillir les reliques et les pèlerins.



Évocation du Jugement dernier, Évangiles de Saint-Médard de Soissons, début IXe siècle, Paris, BNF.

 

827 Officialisation du transfert des reliques par Louis le Pieux

L’empereur Louis le Pieux, fils de Charlemagne, offre à l’abbaye les Évangiles de Saint-Médard de Soissons, un des manuscrits carolingiens les plus célèbres



La prison de Louis le Pieux appelé aussi Louis le Débonnaire, par E. Pingret, Musées de Soissons

 

833 Pénitence de Louis le Pieux

En guerre contre ses fils, Louis le Pieux est enfermé à Saint-Médard.


Vue des souterrains de Saint-Médard, Tavernier de Jonquières, fin XVIIIe siècle, Paris, BNF
 

841 Dédicace de la crypte

Suite aux grands travaux menés par Hilduin II, la crypte est dédicacée par le roi Charles le Chauve lors d’une grande cérémonie le 27 août 841.

   

886 Raids du roi normand en Soissonnais

Les Normands incendient et pillent l’abbaye vulnérable car « hors les murs »

   

893 Reconstruction de l’abbaye

Le roi Eudes reconstruit l’abbaye et restaure ses fortifications

 


 

Le roi empereur en son royaume.

De Philippe Auguste (1165-1223) aux temps modernes : naissance de l’État, des villes et de l’université

 

La réforme monastique de l’abbaye de Cluny vers 910, puis la réforme grégorienne à partir de 1076 permettent à l’Église de retrouver une certaine autonomie face au pouvoir royal, tout en s’appuyant sur les très influentes abbayes de Saint-Denis, Saint-Germain-des-Prés et Saint-Médard.

Au XIIIe siècle, le roi Philippe Auguste fait de son royaume, le plus puissant de la chrétienté. Paris devient sa capitale qu’il protège d’une muraille flanquée de tours. A Saint-Médard, il finance l’enceinte de l’abbaye.

Saint-Louis (1214-1270) poursuit la centralisation du pouvoir, installant une cour de justice, des inspecteurs royaux et battant monnaie d’or. Philippe IV le Bel, roi de 1285 à 1314, porte le système à son apogée. Il crée une cour des comptes et consulte en conseil des assemblées de la nation. Les fonctionnaires royaux, les « légistes » marquent la suprématie de l’institution royale. Désormais, « le roi est empereur en son royaume ». Les bases de la monarchie absolue sont posées mais des évènements défavorables, mêlant diplomatie et religion, s’enchaînent. La guerre de Cent Ans (1337-1453), la Grande Peste (1347-1352) et la crise du Grand Schisme (1378-1417) mettent fin à l’épopée fondatrice.

Mais la période la plus difficile est à venir. Les guerres de religions qui opposent catholiques et protestants dévastent les lieux de cultes. Lors de la deuxième guerre (1567-1568), Soissons est occupée pendant six mois par les troupes du prince de Condé. Les églises et abbayes sont dépouillées et vandalisées. Saint-Médard n’échappe pas à cette destruction massive et le couvent est ruiné.

 


Abbaye Saint-Médard, chapiteau d’Abraham, XIIe siècle Musées de Soissons

 

1094-1119 Abbatiat de l’abbé Raoul

L’abbé Raoul entreprend la reconstruction du monastère.

 



 

1119 Réforme clunisienne du monastère

L’abbé Geoffroy Cou de Cerf introduit la réforme clunisienne au sein de la communauté.


Abélard, Le roman de la Rose, Guillaume de Lorris et Jean de Meun, XIVe siècle
Chantilly, bibliothèque du château
 

1121 Concile de Soissons

C’est à l’occasion de ce concile qu’Abélard est assigné à résidence pendant quelques jours à Saint-
Médard.

   

1131 Dédicace de l’église par le pape Innocent II


Gautier de Coincy, « les Miracles de Nostre-Dame », 1327, Paris, BNF.

 

1193 Gautier de Coincy (1177-1236) à Saint-Médard

À 15 ans, Gautier de Coincy entre à l’abbaye où il sera prieur et grand prieur. Il est le premier grand
poète musicien du Moyen Age, auteur des Miracles de Nostre-Dame


Détail de la pierre tombale d’Aubri de Braine dégagée en 2019. Cliché Ville de Soissons

 

3 mai 1206 L’abbé Aubri de Braine décède à Saint-Médard

Sa sépulture est ouverte en octobre 2020. La hampe de la crosse, le manteau brodé et les chaussures sont conservés.

 

Épitaphe :
Ici repose l’abbé Albéric
Amoureux de la paix, fleuron de la religion et réglant les choses avec patience.
La lumière t’a ravi le 3e jour de mai alors que le Tout puissant courait depuis 1206 années.


Plan de l’intérieur de l’enceinte principale, état des lieux vers 1650. G. Nicolas
 

XIIIe siècle L’abbaye en chantier

Les bâtiments claustraux sont reconstruits et protégés par une enceinte financée par le roi Philippe
Auguste (vers 1210). L’abbaye est un grand centre intellectuel.


Vue à vol d’oiseau de l’ancienne abbaye Saint-Médard, avant 1567, Musées de Soissons
 

1567-1568 deuxième guerre de religion

Les Protestants occupent Soissons et dévastent les édifices religieux. L’église abbatiale de Saint-
Médard est ruinée.

 


 

De la lente sécularisation à l’État laïc

Afin de gratifier ses sujets méritants, le roi a le pouvoir de les nommer abbé à titre honorifique et de leur octroyer les revenus d’une abbaye : c’est le régime de la commende qui accélère le processus de sécularisation.

Les prestigieux abbés commendataires de Saint-Médard, le cardinal Jean de Lorraine, intime de François 1e, Mazarin, cardinal sans être prêtre, l’abbé de Pomponne, ambassadeur à Venise, le cardinal de Bernis, secrétaire d’État aux affaires étrangères, furent souvent, du XVIe au XVIIe siècle, des gestionnaires avisés, mais n’apportèrent rien à la vie spirituelle. Le système témoigne de la puissance économique des grandes abbayes. Une nouvelle réforme des Bénédictins instituant la congrégation savante de Saint-Maur, s’installe à Saint-Médard en 1636. L’abbaye profite alors d’une certaine aura vite remise en cause par le mouvement des Lumières au XVIIIe siècle.

La Révolution française confisque au profit de l’Etat, les biens de l’Eglise. Tous les ordres monastiques masculins et féminins sont supprimés et les religieux expulsés. Les biens des abbayes sont saisis. Saint-Médard, très délabrée, est presque entièrement rasée et ses pierres vendues en 1793.

Symbole de déchéance dans les sociétés traditionnelles, une tannerie s’installe sur les reliques des saints en 1803. Puis de nouvelles vocations se dessinent, attirées par le vaste potentiel qu’offrent les bâtiments désormais vides d’occupants. En 1840, c’est un institut pour sourds-muets qui voit le jour sur le site, préfigurant la réhabilitation de la notion de bien social. Celle-ci perdure au XXe siècle avec l’installation en 1968, dans le cadre de l’aide sociale à l’Enfance, du centre éducatif La Cordée.

 


Détail du plan ancien de la Ville de Soissons par L. Barbaran, à la fin du XVIe siècle. Société historique
de Soissons

 

1593 Démantèlement des fortifications de l’abbaye.

Les habitants du bourg sont autorisés à récupérer les matériaux pour reconstruire leur maison.

 



 

1621 Effondrement de l’église principale

Non entretenue, celle-ci s’écroule d’elle-même. Elle est reconstruite à partir de 1630..


Plan de Saint-Médard après 1568, fonds de la Congrégation de Saint-Maur, Archives nationales


 

1637 Congrégation de Saint-Maur

La Congrégation de Saint-Maur s’installe dans l’abbaye qui retrouve de l’éclat.


Projet de reconstruction de l’abbaye au XVIIe siècle, Monasticon Gallicanum, Don Germain, Paris,
BNF
 

1639 Commende du cardinal de Mazarin

Saint-Médard est la première abbaye que Mazarin reçoit en commende. Il la fait relever de ses ruines


Le grand bâtiment XVIIIe siècle, vue de Saint-Médard, XIXe siècle, collection Paul Waendendries

 

1765 construction du grand corps de logis

Ce grand édifice encore en place accueillait les appartements monastiques dotés de cheminées

   

1791 Vente aux enchères de l’abbaye

Vouée à la destruction, l’abbaye est vendue aux enchères entre plusieurs propriétaires.


Plan de Saint-Médard par Gencourt, géomètre, 1817, Paris BNF
 

1803 Rachat de la propriété

Monsieur Geslin, tanneur à Soissons, achète Saint-Médard et y aménage un parc à la mode de
l’époque.


Institut de Sourds-Muets de Saint-Médard, coll. Particulière
 

1840 institut pour sourds et muets, aveugles et orphelins.

Une partie du domaine est vendue à l’abbé Dupont qui apporte une nouvelle vocation au site.

   

1968 Association la Cordée.

Le centre éducatif la Cordée prend la suite de l’Institut.